PROLOGUE
Un jour
Un jour le diable vint sur terre,
Un jour le diable vint sur terre
Pour surveiller ses intérêts,
Il a tout vu le diable,
Il a tout entendu.
Et après avoir tout vu,
Après avoir tout entendu,
Il est retourné chez lui, là-bas;
Et là-bas, on avait fait un grand banquet,
À la fin du banquet, il s'est levé le diable,
Il a prononcé un discours:
Ça va
Il y a toujours un peu partout
Des feux illuminant la terre
Ça va
Les hommes s'amusent comme des fous
Au dangereux jeu de la guerre
Ça va
Les trains déraillent avec fracas
Parce que des gars pleins d'idéal
Mettent des bombes sur les voies
Ça fait des morts originales
Ça fait des morts sans confession
Des confessions sans rémission
Ça va
Rien ne se vend mais tout s'achète
L'honneur et même la sainteté
Ça va
Les États se muent en cachette
En anonymes sociétés
Ça va
Les grands s'arrachent les dollars
Venus du pays des enfants
L'Europe répète l'Avare
Dans un décor de mil neuf cent
Ça fait des morts d'inanition
Et l'inanition des nations
Ça va
Les hommes, ils en ont tant vu
Que leurs yeux sont devenus gris
Ça va
Et l'on ne chante même plus
Dans toutes les rues de Paris
Ça va
On traite les braves de fous
Et les poètes de nigauds
Mais dans les journaux de partout
Tous les salauds ont leur photo
Ça fait mal aux honnêtes gens
Et rire les malhonnêtes gens
Ça va, ça va, ça va, ça va
Ça va, le diable, fut chantée dès 1954 par Juliette Gréco,
bien qu’elle fût, selon elle, strictement «inchantable». C’était une sorte de défi.
Elle rappelle souvent l’émotion qui la saisit quand cet inconnu, maigre et dégingandé, débarqua chez elle,
timide, la guitare à la main, pour la lui chanter.
Elle la chanta lors de son premier récital à l’Olympia. Jacques lui en fut «éternellement reconnaissant».
On ne croirait pas aujourd’hui que cela fût possible, mais la chanson fut interdite sur les antennes publiques en Belgique.
L'interprétation de Juliette Gréco en 1954
