Dessin souris

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LA DEFENSE DE PARIS

Non jamais sur cette terre On ne vit en vérité, Pareille calamité, Ni plus affreuse misère, Que celle que l’on subit Sous le siège de Paris. Paris ! cette ville aimable, Qui donc ose l’assiéger ? Serait-ce cet étranger, Qu’avec un accueil affable Elle admettait dans son sein ? Oui, c’est lui son assassin. C’est d’accord avec l’infâme Celui qui livra Sedan : Bonaparte, le tyran ! Ce gredin sans cœur, ni âme ! Que la Prusse avec ardeur, Accomplit notre malheur. Lors du fameux plébiscite, Sans tous ceux qu’ont voté oui On n’aurait pas aujourd’hui Cette guerre tant maudite : Paris qui n’y est pour rien À cette heure en souffre bien. Quand on pense que nous sommes Privés de relations, et de communications, Avec le reste des hommes ; Du monde pour nous le bout Ne va pas même à Saint-Cloud. Quand le ballon nous emporte Dans tous nos départements. Des lettres pour nos parents, Jamais il ne nous rapporte De réponses, ce qui fait Qu’on en est très inquiet. Nous n’avons de leurs nouvelles Qu’au moyen de nos pigeons ; Mais des Prussiens, les faucons Les chassent à tire-d’aile : Sur dix, il en revient deux ; On le voit, c’est très chanceux. L’aspect de toutes nos rues Est lugubre, car, hélas ! On a supprimé le gaz Même avant une heure indue, Et les magasins, le soir, Font vraiment du mal à voir. Et nos braves ménagères Attendent en pataugeant, Souvent trois heures durant, Pour obtenir d’ordinaire Un pot-au-feu de cheval Ce brave et noble animal. C’est en pleurant qu’on le mange, Et l’on n’en a pas toujours ; Il arrive bien des jours Que, par force, l’on s’arrange D’un plat, qui n’est pas très gros, De riz cuit avec de l’eau. Il est des êtres rapaces ! J’en rougis ; mais des marchands Exploitent les pauvres gens ; Jugez où va leur audace, Ils vendent de mauvais chou Jusqu’à des six francs dix sous. Eh ! bien de tous ces ravages, Nous souffrons sans murmurer ; Loin de nous désespérer Ils augmentent nos courages : On ne vaincra pas Paris, Tant que nous serons unis !

Musique : sur l’air de Fualdès.

Marcel Mouloudji