Il est tiré d'un spectacle du même nom et réalisé après la parution du livre de Georges Coulonges en 1970.
Avec Mouloudji, Francesca Solleville, Armand Mestral, L’Ensemble Madrigal de l’Ile de France et Les Octaves.


Comme work-songs et négro-spirituals jaillirent de la peine des noirs, les chansons de nos pères jaillirent de leurs douleurs ou de leurs espérances.
Il était logique donc, qu'elle nous offrit une phrase chantée abondante et diverse, celle d'un temps où tout homme se faisait Chansonnier,
celle d'un temps aussi où tous les chansonniers se firent communards.Tous n'avaient pas la stature d'un Eugène Pottier, d'un Jean-Baptiste Clément,
dont les convictions viennent de loin. Pottier, Clément considèrent la chanson comme 1'arme de leur combat.
L'Empire ne s'y trompe pas sa censure est vigilante. C'est pourquoi, si Pottier espère dévotement la République, il ne croît pas utile de la nommer.
Astucieusement, il se contente de demander Quand viendra-t-elle? (1). On croit ô une chanson d'amour (au reste, c'en est une !): le censeur est désarmé.
Cette République est proclamée le 4 Septembre 1870. Elle est la conclusion irrémédiable du désastre de Sedan (2 septembre) dont une autre conséquence est que, désormais, pour toute la France, Napoléon III devient Le Sire de Fisch-Ton-Kan (2). C'est l'un des plus gros succès de l'époque. Alors, la guerre change de caractère: pour le peuple, il s'agit maintenant de défendre la République qu'il a tant souhaitée. Pour cela, les Parisiens font confiance à la Garde Nationale Mobile pratiquement composée de tous les hommes valides de la capitale. Le Garde National Mobile devient vite le « Mobile » et, plus affectueusement, Le Moblot (3).
Nous avons dit que tout homme se fait chansonnier : voici Paris n'est pas perdu (4) oeuvre d'un de ces multiples anonymes
exprimant leurs sentiments avec une naïve sincérité sur un timbre venu du folklore.
Cet emploi du timbre constitue l'une de nos plus anciennes traditions chansonnières : les paroles imprimées ou manuscrites circulaient
(vendues ou données, souvent affichées} dans la rue, précédées de la mention Air de Malborough, air de Fanchon etc ...
le public n'avait donc aucune peine à adapter les paroles nouvelles sur cette musique connue de tous. L'Air de Fualdès était l'un des timbres les plus répandus,
chargé de dire toutes les complaintes.
La Défense de Paris (5) comporte vingt couplets plus un dernier pour la Moralité.
Nous faisons un choix susceptible d'évoquer les malheurs de la capitale pendant le siège. Il est remarquable de constater que, malgré ces privations,
les Parisiens refusent un armistice déshonorant. Ah ! Zut à ton armistice, L'Armistice (6).
En revanche, la« haute société» (celle du moins, qui n'a pas joué les «francs-fileurs » ) ne connaît pas les privations.
Chaque jour, on fait ripaille chez Brébant, le traiteur, auquel, le calme revenu, Théophile Gautier, Paul de St.Victor, Ernest Renan, Marcelin Berthelot,
G. de Goncourt et quelques autres « grands » des lettres et des Arts offriront une médaille portant mention :
« Pendant le siège de Paris. quelques personnes ayant continué de se réunir chez M. Brébant ne se sont pas aperçues une seule fois qu'elles dînaient dans une ville
de deux millions d'âmes assiégées ». Paris pour un bealsteack (7) traduit aimablement cette situation: le fossé se creuse entre la bourgeoisie et... !
La canaille (8) dont Alexis Bouvier revendique fièrement le titre.
Ceci conduit inévitablement à la Commune, solennellement proclamée le 27 mars 1871 devant l'Hôtel de Ville de Paris.
la Marseillaise qui, avec ses paroles originales ou servant de timbre à des textes nouveaux, entraîna le peuple vers la défense de la capitale
ou la conquête de ses droits devient La Marseillaise de la Commune (9).
S'opposant au chant martial, On peut entendre alors la tendre Vive la Commune (10): c'est un juste hommage rendu à son auteur,
l'un des plus fervents chansonniers révolutionnaires du siècle dernier, Eugène Chatelain qui, deux fois proscrit (après 1848 et après 71),
vit deux fois ses oeuvres détruites par« les forces de l'ordre ».
Mais voici le drame. A Francfort, Thiers s'est entendu avec Bismarck : celui-ci a libéré les prisonniers français, aussitôt enrôlés dans l'armée versaillaise
qui, ainsi, passe de 60 000 à 170 000 hommes. Mac-Mahon tire à boulets rouges sur la capitale. C'est la lutte à mort, que ne fuit pas la chanson: sur les barricades,
les Communards chantent le vieux chant de Pierre Dupont "Buvons à l'indépendance du monde" que, spontanément, ils ont appelé Le chant des ouvriers(11),
traçant ainsi la silhouette grandiose de cet Insurgé dont, plus tard, Pottier donnera un portrait saisissant: L'Insurgé (12), son vrai nom, c'est l'homme.
Egalement Les Inconnus (13) fut écrite après la Commune par celui qui, avec le plus de ferveur, servit de son talent farouche le souvenir des
Communards :Jules Jouy. Ce sont ces inconnus et d'autres, plus connus, qui vont vendre à la mort leur espérance de mieux vivre.
Le Capitaine
« au mur» (14) donne une idée de l'horrible répression versaillaise qui, selon l'historien Camille Pelletan, fera 30 000 fusillés du 21 au 8 mai.
C'est La Semaine sanglante (15).
Ceux qui ont pu échapper à la mort des barricades ou aux « Conseils de guerre » de la rue, ceux qui ne sont pas prisonniers dans les
pontons ou bagnards à Nouméa vivent à Londres, à Genève ou à Bruxelles l'existence des proscrits.
Voici deux poèmes de Pottier mis en musique aujourd'hui par Max Rongier ; l'un, extrait de Jean Misère (16) fut écrit par Pottier dès son retour d'exil (1880).
L'autre, au contraire, fut composé pendant la proscription: Le pressoir (17).
Après les multiples interventions de Victor Hugo, l'amnistie partielle est votée en 1879, 1'amnistie totale en 1880.
Aussitôt les proscrits reprennent la lutte. Pottier lance un mot d'ordre En avant la classe ouvrière (18) que plus tard Degeyter mettra en musique.
Toutefois, il est tellement évident que Pottier en avait composé le refrain sur l'air de Fanfan-la-tulipe que nous avons cru devoir présenter
la chanson sous cette forme souhaitée par l'auteur.
Paul Brousse ramène de son exil en Suisse une musique de ce pays sur laquelle il a écrit Le Drapeau rouge (19):
il fera partie de ce legs chanté que, faute de leur grand rève réalisé, les Communards blanchis par les ans laisseront à leurs fils avec la tradition,
maintenue encore aujourd'hui, de se réunir à la date anniversaire de l'écrasement de la Commune au cimetière du Père Lachaise devant « le mur»:
Le tombeau des fusillés (20).
En 1887, Pottier meurt sur un lit d'hôpital. C'est ici que l'extraordinaire se produit. Imprimés à l'aide d'une collecte réalisée par le bon Gustave Nadaud, en 1888, les oeuvres de Pottier tombent entre les mains d'un ouvrier de Fives-Lille, Pierre Degeyter qui, pour la lyre des Travailleurs, met en musique les paroles de L'Internationale (22).
Ainsi, après avoir consacré toute sa vie et la plus grande partie de son oeuvre à la révolution,
Po-po, le vieux Po-po était mort sans savoir que, aux révolutionnaires du monde entier, il laissait ce qui allait devenir leur hymne.
En revanche, la chanson était plus tendre pour J.·B. Clément qui, en 1867 ou 1868, avait écrit une chanson d'amour: Le Temps des cerises (23).
Chantées sur les barricades, ces cerises rouges comme le drapeau des Communards, comme le sang qui avait tant coulé devaient, plus tard, irrésistiblement évoquer,
...le temps de la Commune.
C'est ce temps que, ici, nous avons essayé de ranimer, ému de le terminer par ce quatrième couplet que J.-B. Clément aurait croit-on ajouté
à sa chanson après la Commune, lui donnant ainsi une significative et bouleversante importance :
« J'aimerai toujours le temps des cerises
C'est de ce temps-là
que je garde au cœur
Une plaie ouverte
Et dame fortune en m'étant offerte
Ne pourra jamais calmer ma douleur. »
GEORGES COULONGES