Nous dont la lampe, le matin,
Au clairon du coq se rallume,
Nous tous qu’un salaire incertain
Ramène avant l’aube à l’enclume,
Nous qui des bras, des pieds, des mains,
De tout le corps luttons sans cesse,
Sans abriter nos lendemains
Contre le froid de la vieillesse,
Aimons-nous, et quand nous pouvons
Nous unir pour boire à la ronde,
Que le canon se taise ou gronde,
Buvons, Buvons, Buvons,
À l’indépendance du monde !
Quel fruit tirons-nous des labeurs
Qui courbent nos maigres échines ?
Où vont les flots de nos sueurs ?
Nous ne sommes que des machines.
Nos Babels montent jusqu’au ciel,
La terre nous doit ses merveilles :
Dès qu’elles ont fini le miel,
Le maître chasse les abeilles.
Aimons-nous, et quand nous pouvons
Nous unir pour boire à la ronde,
Que le canon se taise ou gronde,
Buvons, Buvons, Buvons,
À l’indépendance du monde !
À chaque fois que par torrents
Notre sang coule sur le monde,
C’est toujours pour quelques tyrans
Que cette rosée est féconde ;
Ménageons-la dorénavant,
L’amour est plus fort que la guerre ;
En attendant qu’un meilleur vent
Souffle du ciel ou de la terre,
Aimons-nous, et quand nous pouvons
Nous unir pour boire à la ronde,
Que le canon se taise ou gronde,
Buvons, Buvons, Buvons,
À l’indépendance du monde !
Aimons-nous, et quand nous pouvons
Nous unir pour boire à la ronde,
Que le canon se taise ou gronde,
Buvons, Buvons, Buvons,
À l’indépendance du monde !

Armand Mestral