Chantons le martyre en extase !
Chantons la vendange et l’espoir !
Chantons, chantons les grappes qu’on écrase,
Les grains saignant sous le pressoir.
Dans un ciel d’automne orageuse
La lie a barbouillé l’azur.
Sa hotte au dos, la vendangeuse
Porte à cuver le raisin mûr.
En bouillonnant la grappe tombe,
Puis la vis tourne avec effort :
On dirait la vaste hécatombe
De martyrs pâmés dans la mort.
Chantons le martyre en extase !
Chantons la vendange et l’espoir !
Chantons, chantons les grappes qu’on écrase,
Les grains saignant sous le pressoir.
Où sont mes grappes ? Leur sang coule,
Disent les pampres du coteau,
On les torture, un pied les foule,
Le Pressoir les tient sous l’étau !
Tu les crois mortes, pauvre feuille,
Plus vivantes à chaque tour,
Le bon vigneron les recueille
En flot de jeunesse et d’amour.
Chantons le martyre en extase !
Chantons la vendange et l’espoir !
Chantons, chantons les grappes qu’on écrase,
Les grains saignant sous le pressoir.
Ah ! qu’un chant d’espoir vous soutienne
Nations, marcs pressurés,
Vous que l’exil jette à Cayenne,
Chairs à pressoir, grains torturés
Si le présent n’a pas mémoire,
Dans la coupe de l’avenir,
Versez, versez votre âme à boire.
La grande soif va revenir.
Chantons le martyre en extase !
Chantons la vendange et l’espoir !
Chantons, chantons les grappes qu’on écrase,
Les grains saignant sous le pressoir.
Chantons, chantons les grappes qu’on écrase,
Les grains saignant sous le pressoir.

Armand Mestral