On peut l'aimer ou le craindre, souhaiter sa victoire finale ou la redouter: le monde ouvrier existe. Il a ses contraintes, ses espérances, ses victoires, ses douleurs.
Ses luttes permanentes qui, à des milliers de kilomètres, montrèrent souvent de mêmes aspects.
Il a aussi son chant, naïf et grandiose, né dans le combat et par-là évoquant l'Histoire de ces hommes dont les ancêtres quittèrent la terre (Frère, entends-tu ?) à l'appel des premières concentrations ouvrières.

Le dit de leur grande misère nous vient d'Espagne (Sans pain et travailler) ou d'Italie (Bella Ciao) avec les premières voix de la solidarité, la naissance du Compagnonnage (le Curieux satisfait) conduisant à un Syndicalisme (le Train du syndicat, Mineur soit solidaire) sans cesse mieux structuré en dépit du "jaune" (briseur de grève) auquel, avec un humour du Kentucky (Casey Jones) ou une indignation chaudement ibérique (Bouffe-la), la chanson dit son fait.
Dès lors, les affrontements (Nous ne bougerons pas, Nous tournerons), aux U.S.A. les manifestations immobiles sont interdites, sont inévitables entre les travailleurs et un patronat trouvant trop souvent ses alliés dans les fusils de l'Etat (Vous êtes tombés, camarades. Le Chant de la Pampa).
La répression sanglante appelle une riposte armée (la Varsovienne) aboutissant à la Révolution de 1917 (l'appel du Komintern) dont la chanson nous dit les échos en Italie (Bandiera Rossa) ou dans la (Vieille Angleterre).

Mais c'est d'Italie aussi que part le fascisme qui fera subir au mouvement ouvrier ses plus dramatiques défaites (l'Armée de I'Ebre, le Chant des Marais)... compensées après la libération, dans les pays les plus industrialisés, par une reconnaissance irréversible du fait syndical: cueillie outre-Manche, Questions et Réponses donne une idée du langage nouveau du syndicalisme, cependant que, à l'heure où les nègres n'ont pas tous la peau noire, le véritable Guantanaméra (1891) prend des résonances modernes...

De notre plume nous nous permettons d'ajouter le Chômage préoccupation tristement actuelle des travailleurs, avec, pour seule perspective, de répondre ici a la pensée de Saint Simon: "Toutes les institutions sociales doivent avoir pour but l'amélioration du sort moral, physique et intellectuel de la classe la plus nombreuse et la plus pauvre". la chanson est une institution sociale.

GEORGES COULONGES

« Voilà trop longtemps, compagnons
Que nous chantons tous pour les autres
Ayons maintenant nos chansons
Et ne chantons plus que les nôtres. »

JEAN-BAPTISTE CLEMENT